Les entreprises ont-elles de plus en plus de difficultés à recruter ?
Dans le cadre du rapport Pôle emploi pour l’année 2019, Le secteur des technologies de l’information et de la communication pèse pour 3,9 % sur l’enveloppe globale de 2 693 000 projets de recrutement annoncés par les 1,7 million d’établissements qui participent à l’enquête. Dans ce domaine qui regroupe 29 % des participants à l’enquête, le nombre de projets d’embauche augmente de près de 21 % de 2018 à 2019 : on passe de 87 113 projets de recrutements en 2018 à 105 451 en 2019. Interrogées entre septembre et octobre 2018, 51 % des entreprises de ce secteur qui prévoient d’intégrer des travailleurs à leurs effectifs anticipent sur des difficultés à y parvenir. En 2018, c’est 50 % des établissements participant à l’enquête qui faisaient des prévisions similaires.
L’étude regroupait les ingénieurs et cadres d’étude, les chercheurs et chefs de projet en informatique dans une famille de métier pour laquelle les recruteurs anticipent le plus sur des difficultés de recrutement. Dans les chiffres, cette catégorie du secteur des technologies de l’information et de la communication concentrait 72,3 % de parts de projets difficiles. Ici, le métier d’employé et opérateur en informatique fermait la boucle avec ses 58,2 % de parts de projets difficiles. Récapitulatif…
La publication de ce rapport se faisait pourtant dans un contexte où le taux de chômage en France tournait autour de 8,8 % au terme de l’année 2018. Pourtant, comme on peut le voir, les entreprises étaient de plus en plus nombreuses à anticiper sur des difficultés à recruter. Tous secteurs confondus, la part des projets de recrutement prévus difficiles avait augmenté de 5,7 % par rapport à 2018 pour atteindre 50,1 %.
Pour l’année 2019, la pénurie ou le profil inadéquat des candidats étaient les principales causes de difficultés anticipées de recrutement mises en avant par les employeurs.
« Près de six établissements recruteurs sur dix (57 %) s’attendent à rencontrer des difficultés de recrutement en 2019. Les motifs les plus souvent avancés sont liés aux candidatures : 79 % des recruteurs anticipant des difficultés de recrutement mentionnent une « pénurie de candidats », et 77 % des candidatures au profil inadéquat. Cette part est plus importante dans les grands établissements, ce qui peut s’expliquer par le nombre parfois très important de recrutements envisagés par ces établissements.
35 % des recruteurs anticipant des difficultés mentionnent des conditions de travail défavorables (pénibilité du travail, horaires décalés, manque d’attractivité). Par ailleurs, 15 % citent des difficultés d’accès au lieu de travail, et autant des problèmes d’image du métier ou de l’entreprise. Au total, près de la moitié des recruteurs anticipant des difficultés de recrutement citent l’un de ces trois critères. Les établissements agricoles ainsi que ceux de l’industrie sont les plus nombreux à envisager ce type de difficultés liées au poste de travail (respectivement 66 % et 54 %, contre 38 % des établissements du commerce).
Enfin, 18 % des établissements anticipant des difficultés de recrutement envisagent de possibles difficultés économiques (manque de budget), et 7 % des difficultés liées aux procédures internes de recrutement. Ces situations concernent plus souvent les petites structures qui n’ont pas nécessairement de service RH », précisait le rapport.
Grosso modo, le rapport attribuait l’inadéquation des profils des candidats à des facteurs comme le manque de compétences et d’expérience. Dans le secteur des technologies de l’information et de la communication, 12 % des recruteurs anticipaient ne pas parvenir à mettre la main sur l’employé idéal pour un job à cause du manque de compétences techniques en informatique. D’après ce qui ressortait des résultats de l’enquête Pôle emploi, des facteurs additionnels comme la difficulté à s’exprimer à l’oral, la présentation et le relationnel, le manque de motivation des candidats, l’importance des périodes de chômage étaient susceptibles d’étendre la liste.
S’il faut rappeler que les tendances pour l’année en cours restent attendues, il faut dire qu’on ne devrait pas connaître d’inversion radicale. Donc, réponse affirmative à la question posée d’entrée de jeu.
Baisse générale du niveau scolaire : la cause de ces difficultés à recruter ?
Cela fait plusieurs années que les enquêtes se succèdent et relèvent une baisse du niveau scolaire, notamment, en mathématiques et en sciences. Depuis 1995, l’International Association for the Evaluation of Education Achievement (IEA) apporte des éclairages à ce sujet au travers de son enquête Trends In Mathematics and Science Study (TIMSS). De façon brossée, il ressort de l’enquête TIMSS 2015 qu’en comparaison à d’autres pays et à la moyenne internationale, les représentants de l’éducation française sont à la traîne. L’enquête TIMSS 2015 révèle que les pays d’Asie de l'Est – notamment Singapour, Hong Kong, la Corée, Taipei de Chine et le Japon – dominent les autres pays en mathématiques comme en sciences, et ce, quel que soit le niveau. Elle vient confirmer les chiffres du Program for International Student Assessment (PISA) de l’OCDE dans son édition 2012…
De quoi questionner la qualité des produits des formations informatiques de France ? Quand on sait que les mathématiques et les sciences sont des matières clés pour des tiers désireux de poursuivre une carrière en informatique, une conclusion évidente semble se dégager… Les chiffres de l’enquête « lire, écrire, compter » qui mesure les performances des élèves de CM2 à vingt ans d’intervalle (1987-2007) va dans le même sens en soulignant que « les élèves très bons en calculs d’il y a 30 ans ont quasiment disparu et que les meilleurs élèves d’aujourd’hui sont au niveau des élèves moyens d’hier. »
C’est aussi avec le détail que cette étude apporte qu’une contradiction fait surface. En effet, elle montre également que des tiers avec un socle en maths suffisant pour s’attaquer à la filière TIC peuplent la workforce française. C’est des personnes qu’on peut estimer dans la fourchette 30-40 ans. Il semble donc que la baisse de niveau des apprenants à elle seule ne puisse expliquer les difficultés que les entreprises disent avoir à recruter. Une relecture du rapport Pôle emploi 2019 suggère qu’il y aurait une inadéquation entre l’offre et la demande. En sus, il semble judicieux d’intégrer le volet salarial à la réflexion.
Sur cet axe, la France n’est pas toujours comptée parmi les pays qui traitent le mieux les professionnels de la filière TIC. Il n’y a qu’à voir avec les chiffres d’une étude du site de recrutement Hired (parue en 2017) qui souligne que les salaires des développeurs et de l'IT en France sont parmi les plus bas en comparaison à d’autres pays. Cette étude précède une autre plus récente de la firme anglaise Yells qui met en avant le fait que la Chine est le pays où l’on est le mieux payé en tant que développeur web. Dans ce comparatif des salaires ajustés par rapport au coût de la vie, la France arrive en 5e position.
Sources : Pôle emploi, Twitter
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La baisse de niveau en mathématiques et en sciences peut-elle expliquer les difficultés que les entreprises disent avoir à recruter ? Où se situe le lien selon vous ?
Partagez-vous l’avis selon lequel le traitement salarial est l’une des raisons pour lesquelles les entreprises éprouvent des difficultés ?
Quel autre facteur pourriez-vous mettre en avant ?
Voir aussi :
Étude : les salaires des développeurs et de l'IT en France sont parmi les plus bas, pour quelle raison selon vous ?
À coût de la vie égal, le salaire d'un professionnel de l'IT à San Francisco est 67 % plus élevé que celui d'un Parisien, d'après une étude de Hired
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